29 juillet 2022

TUESDAY TUNE (VII): EN ATTENDANT LA "RENAISSANCE" DE BEYONCE - M.I.A, KENDRICK LAMAR, LOUS AND THE YAKUZA, H.E.R. ...

  (by Fal-bla-bla)

Ou plutôt "THURSDAY TUNE", mais faisons semblant...

D'ailleurs, sache que j'écris cet article en écoutant en boucle la version a capella "Break my Soul" dont j'ai pris le soin d'apprendre les paroles jusqu'au moindre soupir en 40 minutes, gestes à l'appui, il y a seulement quelques jours. Car, au vu de l'état déplorable de ce blog, tu te doutes que j'ai été particulièrement occupée ces derniers mois.

J'ai aussi été gâtée; musicalement, du moins. A croire que mon panthéon d'artistes préférés s'est concerté pour me faire languir pendant une durée approximative de cinq années, avant de m'assaillir de sorties inopinées et de prestations magistrales, tout aussi inattendues.


La seule, l'unique. 


A commencer par M.IA.. Sauf son respect, on la croyait perdue pour la musique, tâtonnant au gré de collaborations, de lives sur Instagram et de NFTs pour raviver l'enthousiasme de fans acquis à sa cause, quels que soient les soubresauts et tumultes que connaissent sa carrière d'iconoclaste musicale. Un tel talent et une telle vista ont un coût; celui du doute permanent et le perfectionnisme qui l'accompagne et interdit toute auto-complaisance et, de fait, la sortie du moindre single dans l'unique but de se donner le sentiment d'exister médiatiquement. "The One" m'a réveillée un vendredi de mai, le vingt-sept, si tu veux tout savoir; "éveillée" serait d'ailleurs le mot juste. 

"This time, I'm gonna flip the whole thing

New era I'm gonna bring it in

To the basics."

"The One" évoque le changement d'ère spirituelle et musicale amorcé par Matangi, qui, loin de délaisser les philosophies orientales auxquelles sont héritage tamoul l'a exposée  dès l'enfance puise désormais son inspiration et sa sérénité aux sources du christianisme. 

"One" répété trois fois, la sainte trinité; la quête de l'absolu redirigée en soi. 

Aussi, le vers biblique "The one who is in you is greater than the one who is in the world" se mue: "Tryin find the one, what you seeking ain't hiding. Tryin find the one. It's me you keep finding". 

Un hymne à la joie et au bonheur de n'être que soi, dans le détachement le plus total; faire fi du monde et se recentrer sur soi, voilà en substance le credo de "The One" et de l'album qu'il annonce, six ans après le mitigé "AIM"

J'ai hâte, pas toi ?


L'homme providentiel. 


Kendrick lui aussi, aime jouer avec nos nerfs. Même modus operandi. Une dizaine de jours avant M.I.A., après cinq longues années d'attente et une mémorable prestation au Super Bowl, il nous honorait d'un opus autobiographique, que dis-je ?, introspectif; et ce, à toutes les échelles. 

Tout a commencé avec "The Heart Part 5". Même mode opératoire aussi pour ma part: un matin, entre le mascara et le tube de gel (dont je me tartine le cheveux rebelle et fier, hehe), Youtube me servait ce morceau d'anthologie, me laissant scotchée (rien à voir avec le gel) sur mon canapé. Kendrick s'attaquait à la culture de la violence dans la communauté noire (héritée d'un vécu plus douloureux que la moyenne, quoi qu'on en dise, et qu'il n'y a pas toujours d'autre moyen d'exorciser). 

Will (Smith) venait de gifler Chris (Rock). 

J'étais du côté de l'homme (en) noir et serai toujours du côté de ceux qui défendent la femme noire au détriment de ceux qui s'évertuent à la railler et à l'humilier. 

Une fois la gifle digérée, la question de la violence s'imposait pourtant à nous; à moi et à toi, peut-être indigné(e) comme Amy Schumer qui n'en dort pas depuis et se dit traumatisée par la grande violence de l'acte; a contrario les images d'un Capitole envahi par une horde de sauvages l'ont très certainement laissée de marbre. Après on dira que décidément, cette Falblabla est "woke", en espérant que cet anathème fasse taire toute velléité de revendication. On connaît la rengaine...

Bref, la perspective de Kendrick est quant à elle légitime et sans concession. "The Heart Part 5" ébauche une analyse des tourments de l'Homme noir. La vulnérabilité est en vogue, tu l'as sûrement remarqué. Galvaudée la plus part du temps, elle prend tout son sens dans l'album"Mr Morale and the Big Steppers". Mister Morale y passe à la loupe les traumas d'une communauté, espérant même à voix haute qu'un psy averti puisse l'écouter. 

Dans "United In Grief", il décrie l'étalage de la richesse en même temps qu'il en reconnaît les vertus salvatrices voire thérapeutiques, avant d'atteindre l'ascèse dans "Worldwide steppers", comme si Kendrick avait enfoncé rageusement le bouton REWIND d'un vieux magnétoscope poussiéreux et assistait, médusé, à l'interminable assassinat de toute une communauté, hurlant à pleins poumons et dans l'indifférence générale qu'elle ne pouvait plus respirer. 

Au nom du père, du sain (sic) esprit... et du riche esprit aussi, "Rich spirit" dévoile l'artiste en proie au doute et aux critiques, vantant ses propres mérites pour ne pas sombrer, avant que l'épanchement ne devienne "gênant" (comme diraient mes chères ouailles ou "disciples" pour rester dans le ton): "We cry together", approche voyeuriste du couple, cathartique et toxique à souhait, exhibant nos douleurs communes, et marquant le point de rupture de l'album; on passe sans qu'aucune concession ne soit faite aux âmes sensibles (n'est-ce pas, Amy ?) du constat au dépassement. 

Kendrick endosse comme il sait si bien le faire le poids du rappeur, homme providentiel et sacrificiel, le sauveur de "Savior" puis le soldat humaniste de "Purple Hearts" ("I'm not in the music business, I'm in the human business"; c'est donc là qu'il était passé toutes ces années...); celui qui, dans "Auntie Diaries", aborde sans tabou la question transgenre au travers du portrait de sa tante et de son cousin. Mais aussi le repenti de "Mother I sober", le chef-d'oeuvre de cet opus, à mon sens. Introspection, traumatisme transgénérationnel et épiphanie s'y côtoient. Kendrick passe à confesse... puis à l'exorcisme: il y évoque un traumatisme d'enfance (un parmi tant d'autres, quand on est Noir) qui l'oblige, nous oblige à vivre en victime aux yeux du grand / blanc public. Ce public voyeur et délibérément passif, qui s'indigne et se réjouit dans le même élan. Retour à Will, à Chris, à Amy, à tout ça... 

Sur des rythmes électro psychédéliques (tendance incontournable du moment), le rappeur finit par faire primer le moi  dans "Mirror". Las, il lance "Maybe it's time to break it off, run away from the culture to follow my heart" et opère une dissociation pour une fois salutaire; désormais, individué, il se proclame au-dessus de la mêlée.

"I choose me, I'm sorry".... 

... et éventuellement un concert au Paris Accor Arena en octobre aussi...


2 girls, 1 stage.


Et Lous, dans tout ça ? 

Je l'ai vue sur scène pour la première fois il y a quelques jours. Magistrale. D'abord, je dois te dire que le Nice Jazz Festival est plutôt monochrome en dépit de ses scènes chamarrées. Mais ce lundi soir, dès l'entrée, on a compris pour qui toute cette foule haute en couleur s'était déplacée. 

Oui, d'accord, il y avait bien H.E.R. mais Lous n'était pas en reste. 

Elle a déboulé sur une scène qui a d'abord semblé bien trop grande pour sa frêle silhouette féline mais a instamment occupé l'espace dès les premières notes entonnées. 

"Tout est gore."

Et toi, tu observes le public, qui, à l'exception de quelques hordes éparpillées de fanatiques dont je faisais partie, semblait découvrir et se laisser immédiatement et sans la moindre résistance envoûter par la persona solaire de Lous. Non, parce qu'en dehors de sa tessiture et de son indéniable maîtrise vocale, Lous gratifie son public d'apartés savoureux et tout aussi émouvants. Une artiste en perpétuelle expansion dont l'humilité et la douance ne font nul doute. Affaire à suivre, dont la version aboutie, H.E.R., a occupé la Place Masséna avec à la fois beaucoup de simplicité et une palette musicale riche et exhaustive. Les styles et instruments  musicaux maîtrisés n'ayant d'égal que son impressionnante collection de sneakers... et de guitares. 

Deux filles, une scène et des promesses infinies. 



La Queen.


Au moment où je rédige ces mots, il ne reste que quelques minutes avant le drop de Beyoncé (je travaille mieux dans l'urgence, vois-tu..) 

Instagram fut le lieu du crime. Des photos supprimées qui ont affolé les radars; de Twitter aux podcasts, la Bey Hive frémissait. Je gardai mon calme, sachant que la tempête serait soudaine, féroce, sans pitié. 

"Break my Soul", "Renaissance", les mots clés étaient lâchés. Beyoncé reprenait le contrôle: fini les rollouts imprévisibles devenus la norme grâce à elle et rendus caduques par ce retour aux sources; tout comme M.I.A., le retour aux bases était annoncé et pleinement assumé. Une sortie classique. Ce serait le 29 juillet, à minuit et pas une seconde avant. Un merchandising en pré-commande, un vinyle dans mon escarcelle au passage et une Falblabla aux aguets depuis maintenant un mois et treize jours.

"Break my Soul" a surpris: de la house music qui m'a tout de suite évoqué la ballroom scene et l'underground gay new-yorkais, si bien que j'esquissai quelques pas de voguing à l'endroit même où je me trouvais. 

A l'instar de "The One" et "Mr. Morale", "Break my soul" aborde lui aussi l'introspection, les objectifs que nous nous fixons sans qu'ils ne reflètent vraiment nos aspirations profondes, le bonheur qui est avant tout en soi et le refus catégorique que nous devons adresser à ceux qui chercheraient à le briser...

"You won't break my soul."

La suite dans le prochain article...


Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire