29 décembre 2012

"Bonjour Madame", "Oui Madame", "Merci Madame", "Aurevoir Madame" -- "Ta gueuuuuuuule, Connasse!"

(by Fal-bla-bla)


 
Le sujet abordé dans ce post est très sensible, en tout cas pour les jeunes femmes de mon âge, en tout cas pour moi....

Tout a commencé il y a quelques années quand j'ai reçu mes premiers « Madame » dans la gueule. [Oui, je vais parsemer mon propos d’un tas de grossièretés parce que le sujet m’irrite fortement, alors d’avance, pardon]. La première fois a été mal digérée, mais je me suis vite rassurée: il ne pouvait s'agir que d'une erreur. Jusque là, tout allait bien: une nana zélée, un patron pressé, une caissière surmenée qui veut traiter la cliente comme il se doit et qui pour ce faire use sans modération de tournures de politesse et de « Madame » mal placés. Hélas, les "Madame" se sont multipliés comme les petits pains de la fameuse histoire. Il ya des "Madame" qui passent, parce que le contexte l'exige et qu'il n'ya pas de place pour le "Mademoiselle" dans certaines circonstances... Non, les « Madame » qui irritent, c’est ceux que vous glissent les commerçants, les guichetières de la SNCF et autres agents administratifs les jours sans, les jours où on se sent mal fagotée, mal fardée, les bad hair days, les jours de grosse fatigue, les jours où rien ne tourne comme il faut. Et comme toutes les choses qui blessent, ces «Madame » semblent anodins à ceux qui les dispensent avec largesse, mais ils ont le don de me gâcher la journée, la vie. Tout court.

Tenez, je sors de chez moi, vous me voyez? Fière de moi (c’est rare !), en accord avec mes choix vestimentaires et prête à sourire à tout venant. Là, c'est moi entrant dans un magasin pour répandre ma joie et l’amour que je porte à mon prochain et là… non, là... c’est le drame : « Bonjour Madame, je peux vous aider? ». Vous décryptez mon langage corporel. Vous me sentez me raidir. Vous voyez mon visage se muer. En y regardant de plus près, vous pouvez même lire le désarroi dans mon regard. J’oublie instantanément tous mes bons sentiments et me transforme en « dame » revêche qui en veut à la Terre entière : « Non, ça ira ! », rétorqué-je avec toute la hargne que je suis capable de manifester. Et sortant, la tête haute, je me dis « c’est une erreur, voyons ! Neeeext! ». Hélas, ce sursaut d'optimisme n'aura été que de courte durée.

Quoi de plus éloquent qu'un exemple flirtant avec les limites de la moralité. Un mendiant geint « Sivioupiez, Madame ». J'ai l'aumône facile (je sais, je suis une fille bien, arrêtez, vous allez me faire rougir... comment ça je ne peux pas rougir...?). Bref. Je réponds donc généralement assez favorablement aux sollicitations pressantes des nécessiteux que je croise. Mais je dois dire qu'un « Madame » malvenu me fait cogiter quelques instants avant d’offrir le moindre de mes deniers!!! C’est dire ! Me voilà honteuse, mais j'espère au moins vous avoir convaincus.

 
Honnêtement, j'aimerais savoir ce qui se produit dans le cortex de l'individu lambda et le conduit à privilégier le "Madame" au détriment du "Mademoiselle" en s'adressant à une jeune femme quelconque. Je pense avoir décodé le cheminement mental qui conduit hélas trop souvent à ce type d'erreur de jugement.

Tout a commencé dans un magasin (pour votre gouverne, tout commence toujours dans un magasin pour les greluches).

Paris, Champs-Elysées. Sephora des Champs Elysées. Ma sœur, moi. Il faut d'abord que je vous dise que le taux de "Madame" reçus par ma (grande) sœur est relativement inférieur au mien. Nous sommes presque jumelles, mais cela n'explique pas tout. Une maquilleuse de Sephora donc, à qui nous venions d'infirmer que nous étions jumelles, s'est aventurée - à ses dépens, car mon visage a traduit toute la haine que je lui ai immédiatement portée - à me dire: "c'est vous l'aînée?" Une fois la chronologie rétablie, mais mon visage toujours aussi inhospitalier, cette dame (pas de doute à ce sujet) s'est empressée de rectifier: "je pensais que vous étiez jumelles, mais vous (moi, vous me suivez) avez l'air plus sérieuse. Vous avez l'air d'avoir des responsabilités". Ah. Très intéressant.

J'ajouterais même "épiphanie": le ratio mademoiselle / madame serait donc inversement proportionnel à la somme de responsabilités à la charge de l'intéressée. Il suffisait d'y penser!

Un peu comme les températures, l'âge réellement ressenti serait donc conditionné par un ensemble de facteurs subjectifs, tels que les attitudes de l'individu concerné et de nombreux autres éléments qu'il serait superflu de lister ici.

Les choses semblent plus claires tout à coup, ou peut-être le sont-elles par la magie d'une forme d'auto-persuasion qui me permettrait d'éviter de soulever la véritable question: pourquoi une telle obsession? Vous l'aurez compris, « Madame » me fait sentir vieille et laide. Je ne sais pas à quoi ce sentiment irrationnel tient... Je me le demande toujours. Je suis trop lâche pour démarrer une introspection à ce sujet, sans compter que vous risqueriez de vous ennuyer terriblement -- si ce n'est déjà le cas.

Je pense qu'il s'agit d'un phénomène générationnel. Il me semble que nos aînées ne se préoccupaient pas de savoir si aux yeux de la société elles étaient perçues comme des "dames" ou des "demoiselles". Oui, mais moi j’appartiens à une génération de grands enfants.  Bien sûr, je connais quelques personnes qui assument leur statut d’adulte et pour qui "Madame" sonne comme un compliment, la validation d'une transition vers la vie adulte tout à fait réussie. Mais force est de constater que beaucoup d'entre nous sont d’éternels adolescents, qui écoutent de la musique d'ado, parlent comme des ados, et s’habillent comme des ados au grand dam de leurs aînés consternés par une telle immaturité. Et lorsqu’une connasse de 22 ans* se permet de me  / nous / vous ranger du côté da-dame de la féminité, j’ai juste envie de la prier de se la fermer ! [je vous avais prévenus, je suis trèèèès remontée]. J’ai l’impression que je n’ai plus le droit d’être fraîche, insouciante et légère et qu’on veut m’obliger à grandir. Eh ben, noooon, je fais ce que je veux ! J’ai envie de taper dans le short, la basket, les écouteurs… pendant encore longtemps, quitte à être ridicule comme mémé là-haut. Le principe étant d’être en adéquation avec ce qu’on a au fond de soi.

 
Le paradoxe dans tout ça, c’est que les personnes avec lesquelles j'interagis au-delà du "bonjour" et du "merci" ont presque invariablement la même réaction: « Nooooon ?! Tu fais plus jeune ! ».

C’est à n’y rien comprendre!

Le plus dur donc, c'est de ne pas savoir où se situer: encaisser les "Madame" et les "Mademoiselle" dans la même journée, sans ordre ni fréquence prévisible: chaud... froid... chaud... froid; ou même dans la même conversation "Bonjour Madame... euh... Mademoiselle". Alors, je suis quoi MOI? "Madame" ou "Mademoiselle", décidez-vous les gens! Tout cela me perturbe gravement!!!

Tout ça pour vous dire, bien cher lecteur, qu’on nous bassine avec l’adolescence et ses tourments, mais personne ne s’émeut de ce qu’endure le jeune adulte, l’adolescent attardé qui ne veut pas lâcher les totems de la jeunesse mais qui se bat quand même pour être considéré comme un individu responsable et socialement inséré.

 *petit conseil (et exutoire) pour gérer les assauts perfides de la connasse de 22 ans en sursis: une fois qu'elle vous aura rendu la monnaie et le ticket, empressez-vous de lui témoigner toute votre gratitude: "Merci Madame. Passez une bonne journée". Vous lui rendriez un énorme service...

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