24 octobre 2015

AFRICA FASHION WEEK LONDON 2015 (II) - LES COLLECTIONS


Trois mois déjà.
L'Africa Fashion Week London 2015: le cadre londonien pittoresque et les fantaisies du monde de la mode alliés à la familiarité du contexte nous ont offert une sorte de bulle de wax éphémère, un concentré d’élégance à l’africaine dont j’ai goûté chaque instant (grâce à Motions Hair UK et BlackHairVelvet) et dont je vous parlais d’ailleurs ici. Au-delà du décorum et de l'atmosphère chaleureuse, ce fut aussi et surtout une formidable démonstration de Haute Couture, au cours de laquelle l’Afrique a tenu à prouver qu'elle aussi avait son mot à dire. A l’occasion de cette cinquième AFWL, c’est en effet une Afrique fidèle à son attachement à l'authenticité, à l'ouverture et au brassage qui a défilé à l'Olympia. Et j’étais là pour le constater, subjuguée par cette profusion d’idées parfaitement exécutées et impatiente de poser des mots sur ces harmonieux agencements d’étoffes qu'on dit exotiques.
Il y eut pléthore de collections. Je vous raconte celles qui m'ont le plus inspirée.

C'est sur « Run the World » que Le Ekhaya a lancé sa troupe de mannequins à la conquête du podium. Pluie émeraude sur coupes légères. Une esthétique sixties servie par des couleurs terriennes et tropicales et agrémentée d’accessoires résolument pop. La cape comme fil rouge, le revers en wax pour signifier le « retour à la maison », le retour à soi (« Ekhaya » en Zoulou) et enfin  la modernité pour liant : crop tops, carrot pants et shorts fort seyants défendus par un escadron d’Amazones fières dont les coiffures structurées et le salut militaire évoquent une Afrique postcoloniale en transition.
Elles seront enfin rejointes par une créatrice au mini afro platine dont l'allure avant-gardiste finira de convaincre le spectateur séduit.


 Tumiila. Quelle ne fut pas ma surprise en voyant la frêle silhouette de Tumisola Ladega, la vingtaine,  se faufiler sur le podium à la fin du défilé! Trop jeune pour cette explosion de vinyle, ces collages géométriques avec le monochrome pour clé de voûte. Noir blanc et la récurrence du magenta qui trahit le jeune âge de l'artiste. Je reste admirative devant l’exécution parfaite de cette robe blanche bodycon  dont la longueur flatte les genoux et qu’une cascade de découpes de vinyle noir doublée de lanières effet bondage viennent parachever harmonieusement.
Tumiila est, à n’en point douter, une force montante de la mode africaine.



Selina Beb. Dificile de croire, au lancement des premiers modèles, que Selina fait de l'accessoire. L’alliance du minimalisme à l’esthétique maximaliste du wax brouille les frontières et rend à l’accessoire ses lettres de noblesse. Dans le monde de Selina Beb,  capeline tissée multicolore et cascade de colliers fins en wax suffiront à habiller une silhouette blanche épurée et, surtout, à retenir l’attention d’un public qui n’en sera pourtant pas à son premier défilé.
On ne peut qu’admirer la prouesse de l’artiste.

 AsakeOge. AsakeOge, « la mode » en Yoruba, a placé le jaune au cœur de sa collection et a proposé une version pop du wax, confinant à l'hyperbole: palette technicolor à souhait, fusion de wax et de textiles classiques, subtil jeu de pliage et même du strass ça-et-là. AsakeOge c’est aussi le péplum pour silhouette ; en haut mais aussi au bas de jupes maxi droites donnant des airs de sirènes nubiennes aux mannequins. AsakeOge défie les proportions : un crop aux manches chauve-souris sur un culotte pant évasé et une sorte de redingote dont on aurait oublié les manches et dont les pans se finiraient en une traine vaporeuse, dotée d’une fente démesurée ouvrant sur le minimalisme d’un bermuda blanc et discret. Mention spéciale pour cette silhouette d’un jaune éclatant dont les empiècements en wax vert, fuchsia et orange s’immiscent par petites touches avant de s’imposer et d'annexer le reste de la collection.



Tangerine. Lorsque ce mot s’affiche sur les écrans surplombant le podium, on s’attend à la maturité d’une collection réinterprétant sagement les classiques. Mais les premiers modèles bousculent cet a priori: la palette est certes dominée par le orange, mais ce dernier joue la carte du color block en s’alliant à un rose flambé (nous dirait ce cher Pantone), auquel se joignent au hasard des modèles, un jaune franc ou encore un rose poudré. La silhouette, quant à elle,  est maximaliste : fronces, mousseline et superpositions, comme l’illustre un de mes modèles favoris.
En somme, Tangerine a réussi à démontrer avec brio que flamboyance et élégance pouvaient se marier à la perfection.



Mafrika. La griffe nous propose du wax sur silhouette de préférence évasée, au col haut et à l’épaule structurée. La palette est éclectique : du wax aux couleurs vibrantes et aux imprimés géométriques, un audacieux embrouillamini textile, à la manière de Stella Jean, une collection qui répond pleinement aux attentes de l’amatrice de wax.
On se verrait bien porter chacune des pièces proposées par la marque en cette AFWL 15.





Caroline Beyll est au confluent des cultures. Elle propose des pièces de taffetas aux airs de bazin, des ornements orientalisants et des coupes fifties qui ne manquent pas d’interpeler le spectateur. Le classicisme de la collection séduit par son caractère anachronique et paradoxalement rafraichissant, à l’heure ou le wax revendique sa modernité.




Sifaye Haidar. J’ai griffonné dans mon carnet « le red carpet ou rien ». Sifaye crée pour les grands événements. D’ailleurs, c’est une robe de mariée qui ouvre le défilé. Se succèdent alors une série de modèles taillés dans des étoffes chatoyantes ou lamées et des pièces dramatiques aux décolletés plongeants, aux fentes sans fin, à la transparence décomplexée et aux empiècements judicieusement placés, que le public finira par saluer avec beaucoup d’enthousiasme.




 

Van Else est asiatique et pourtant c’est le wax qui l’inspire. Cette créatrice haute en couleurs, qu’on a pu remarquer dans les allées du Salon, opte pour une version extravagante du wax : des traines interminables et des cols élisabéthains ou savamment enchevêtrés, des shorts microscopiques surmontés de vestes structurées ou de trenchs idéalement proportionnés.
Pari tenu: la première collection de Van Else est des plus convaincantes.



Innocente Messy c’est avant tout un art de la coupe : un plissage subtil, une longueur idoine pour des robes évasées juste comme il faut, des jupes et des pantalons d’une droiture et d’une simplicité compensant opportunément des hauts ceinturés aux manches caftan raccourcies et amplifiées.
C'est une célébration de l'élégance intemporelle qu'Innocente Messy a orchestrée sur le podium de l'Olympia.




 


Que puis-je ajouter? Sinon que la mode africaine a de beaux jours devant elle: en s'inspirant d'une tradition riche et vivace et en restant perméable à toutes sortes d'influences, elle impose peu à peu son esthétique singulière dans le monde fermé de la Haute Couture.
Je suis donc impatiente de voir ce qu'elle nous réserve dans les années à venir...


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