Mercredi 15 avril, une soirée banale que je vais pourtant passer avec l'homme à qui je dois mon pseudonyme et une grande partie de ma passion pour la fanfreluche.
Rendez-vous dans l'atmosphère feutrée d'un atelier parisien.
Une petite main, un mannequin couture et deux de mes personnes préférées sur terre (j'exagère à peine): Loïc Prigent et Monsieur Jean-Paul Gaultier réunis pour cinquante-deux minutes dédiées à une carrière exceptionnelle.
Par élégance, nous ignorerons le contexte. Les caméras, le petit écran...
Soyons fous!
Soyons fous!
Non, Ce soir, Jean-Paul Gaultier reçoit.
Jean-Paul me reçoit en personne, l'air enjoué, solide sur ses appuis, il parle avec les mains et surtout me vouvoie. J'apprécie cette coquetterie désuète, ce refus de la facilité et des familiarités. Je la goûte en trépignant, impatiente sur mon canapé.
Ah mais non, que dis-je? Je suis debout, voyons. C'est bien cela, debout face à lui, tout de noir vêtue, perchée sur des talons de douze, prête à écouter le Maître faire l'article des pièces qu'il me propose aujourd'hui.
J'en emporterai quelques unes, que je vous présenterai en mots et en images.
Bienvenue chez Monsieur Gaultier, donc.
Monsieur ne se contentera pas de me présenter ses pièces emblématiques, il créera sous mes yeux pour mieux me convaincre - d'où le titre "Jean-Paul Gaultier travaille". Comme si j'avais besoin de l'être (convaincue), comme si la passion se travaillait... Non, Jean-Paul "cherche" perpétuellement, il s'amuse éternellement. Alors les idées se succéderont sous mes yeux déjà conquis et prendront vie, un peu comme à la veille d'un défilé. Submergée par l'émotion je le laisse donc œuvrer, en tâchant de dissimuler cette admiration débordante que je lui porte
(oui, bon, on est certes dans mon intérieur, sur mon canapé, mais tout de même, un peu de dignité!)
Jean-Paul annonce le premier numéro. L'occasion pour lui de me rappeler ses modestes mais brillants débuts à Arcueil.
1974. Hommage au punk, aux voyages londoniens, aux expérimentations balbutiantes, aux petites mains de circonstance qui ont construit à coups de ciseaux hésitants et d'aiguilles affectueuses la légende Gaultier.
Tout ce que j'aime: du tutu, du denim, de la ballerine et du perf'. Une pièce passée inaperçue à l'époque, un morceau d'avant-garde déjà maîtrisé, qui criait Gaultier mais que personne n'entendait.
"C'est un mélange qui résume à peu près mon style, tout mon style, je crois" , conclut le Maître.
Tout à fait, Monsieur Gaultier, permettez d'ailleurs que j'emporte cette pièce.
Monsieur ne se contentera pas de me présenter ses pièces emblématiques, il créera sous mes yeux pour mieux me convaincre - d'où le titre "Jean-Paul Gaultier travaille". Comme si j'avais besoin de l'être (convaincue), comme si la passion se travaillait... Non, Jean-Paul "cherche" perpétuellement, il s'amuse éternellement. Alors les idées se succéderont sous mes yeux déjà conquis et prendront vie, un peu comme à la veille d'un défilé. Submergée par l'émotion je le laisse donc œuvrer, en tâchant de dissimuler cette admiration débordante que je lui porte
(oui, bon, on est certes dans mon intérieur, sur mon canapé, mais tout de même, un peu de dignité!)
Jean-Paul annonce le premier numéro. L'occasion pour lui de me rappeler ses modestes mais brillants débuts à Arcueil.
1974. Hommage au punk, aux voyages londoniens, aux expérimentations balbutiantes, aux petites mains de circonstance qui ont construit à coups de ciseaux hésitants et d'aiguilles affectueuses la légende Gaultier.
Tout ce que j'aime: du tutu, du denim, de la ballerine et du perf'. Une pièce passée inaperçue à l'époque, un morceau d'avant-garde déjà maîtrisé, qui criait Gaultier mais que personne n'entendait.
"C'est un mélange qui résume à peu près mon style, tout mon style, je crois" , conclut le Maître.
Tout à fait, Monsieur Gaultier, permettez d'ailleurs que j'emporte cette pièce.
Jean-Paul parle et j'engloutis ses mots. Il dit des choses qui me plaisent mais qui passent peut-être inaperçues: "Mon préféré, parce qu'il est avec du noir". Jean-Paul s'abreuve aussi aux références cinématographiques et théâtrales qui alimentent son discours et imprègnent son œuvre. L'emblématique corset lui vient de la comédie musicale "Nine", la veste masculine - pièce maitresse de la silhouette 80's - de Marlène Dietrich et la marinière de "Querelle de Brest".
La marinière, tenez. Jean-Paul sait à quel point elle m'est chère, alors il m'en met plein la vue: il en fait littéralement pleuvoir sur le studio. Il y en a tant. J'aimerais toutes vous les conter mais cinquante-deux minutes, c'est court.
D'abord, la marinière lacérée a retenu mon attention. Composée de lanières mises bout à bout, elle arbore un dos lacéré qui pourrait être porté à l'avant précise Monsieur. Déclinaison décadente qui me séduit.
On met de côté, s'il vous plait.
Le numéro 24 aussi, vous voulez bien? Ai-je vraiment besoin de vous en dire plus: "Bateau lavoir fourreau marin en organdi blanc et organza marine", déclame la voix rauque et suave de celle qui sera, pour ce soir seulement, et dans mon esprit, l'assistante de Jean-Paul.
So French!
Et la fraîcheur de cette minirobe à l'imprimé asymétrique abstrait, je prends aussi!
1981, vous dîtes? Le vintage actuel, du pur génie!
Jean-Paul et son imagination débordante d'éternel adolescent, Jean-Paul qui démonte tout et voit tout par le prisme de la mode, rapprochant une boîte de conserve à un bracelet africain, alliant le geste à la parole; y laissant quelques gouttes de sang. "Accident du travail" lâche, laconique, le Maître pendant que les petites mains s'affolent autour du doigt meurtri. "C'est joli, hein, la couleur du sang, par contre". Tout à fait le genre de réflexion que j'aurais pu faire en pareille occasion. Il est charmant, Jean-Paul.
Un petit passage entre les doigts certes maladroits mais experts du Maître, une "extra-jeanpaulation" plus tard, ça donne ça:
A la fin des 70's, nous dit Jean-Paul, tout le monde portait des vestes imprimé camouflage. Ah, quel perpétuel recommencement que cette affaire de mode! D'ailleurs, je prendrais bien cette veste doublure lamé pour 2015 si vous voulez bien.
Les accents belliqueux seraient ultra-tendance cette saison.
Merci bien.
Un petit passage entre les doigts certes maladroits mais experts du Maître, une "extra-jeanpaulation" plus tard, ça donne ça:
A la fin des 70's, nous dit Jean-Paul, tout le monde portait des vestes imprimé camouflage. Ah, quel perpétuel recommencement que cette affaire de mode! D'ailleurs, je prendrais bien cette veste doublure lamé pour 2015 si vous voulez bien.
Les accents belliqueux seraient ultra-tendance cette saison.
Merci bien.
Jean-Paul nous parle aussi de ses "greffes ethniques" Denim et imprimé marocain, pied de poule sur imprimé asiatique. Et moi, tout naturellement, je craque pour la collection "Barbès" (1984) que Jean-Paul résume ainsi (palliant certainement ma recherche infructueuse d'images idoines): "Une Africaine qui venait à Paris et qui mélangeait des vêtements qui appartenaient à son ethnie et qu'elle mélangeait à des vêtements occidentaux et plutôt à des vêtements de Dandy." Une collection politique, à une époque où le racisme montait, renchérit Loïc. Un avant-goût d'aujourd'hui, à l'heure où le wax fait fureur dans les vestiaires tandis que la haine emplit les urnes.
2004 enfin. "La dégaine d'une amazone écuyère moderne". Des lanières en cuir à boucles enserrent la taille, le tour de cou et même le front; du camel à profusion et juste assez de franges.
So Spring-Summer '15!
Je prends!
De l'avant-garde punk au chic rangé signé Hermès, la boucle est bouclée!
Mais Jean-Paul n'allait pas nous laisser repartir, moi sur mes talons de douze donc, les bras encombrés de dustbags remplis de pièces légendaires, sans une dernière anecdote qui m'a rappelé une enfance passée à imaginer, à décortiquer les jouets et à les transformer au gré d'une inspiration brute et sauvage. La peluche Nana, le premier modèle de Jean-Paul. Métamorphosée, maquillée, coiffée, extra-jeanpaulée avant l'heure. Je me sens moins seule tout à coup, pas vous?
Encore quelques mots et une révérence pour nous raccompagner:
"J'espère que vous vous êtes bien amusés et que vous allez pouvoir tous me copier!"
Merci, Jean-Paul.
-
Et si vous souhaitez vous amuser encore davantage avec le Maître:
-visionnez et re-visionnez le documentaire sur Arte Creative
-rendez-vous sur le site d'Arte pour le jeu interactif Gaultier Podium !
-ou au Grand Palais jusqu'au 3 août 2015 pour la rétrospective consacrée à Jean-Paul Gaultier.
-visionnez et re-visionnez le documentaire sur Arte Creative
-rendez-vous sur le site d'Arte pour le jeu interactif Gaultier Podium !
-ou au Grand Palais jusqu'au 3 août 2015 pour la rétrospective consacrée à Jean-Paul Gaultier.
Post très sympa :)
RépondreSupprimerBisous.
www.taimemode-fashionblog.com
Merciiii! Cool, ton blog! <3
Supprimer- Falblabla
Jean-Paul Gaultier, j'adore (sans connaître ni même bien connaître ce qu'il a fait et fait).
RépondreSupprimerSont rares les JPG. J'aimerais vivre dans une France que j'adorerais si l'on pouvait voir plus de JPG dans tous les domaines.
"J'adore la mode, c'est ma vie" : une citation qui le cerne certainement très bien.
Avec ton article, l'impression de le connaître un peu mieux. Thxxxxx !
Ah... Jean-Paul - son enthousiasme d'éternel gamin - est, pour moi aussi, exemplaire à tous les égards. C'est lui qui a suscité ma passion pour la mode, quand j'étais encore enfant: avant lui, j'aimais, depuis j'adore. Et puis cette invitation à le copier dit tout de sa personnalité et de sa vision de l'art: libre et ouvert, généreux et sans frontières.
SupprimerCe type est tout simplement contagieux, dans le bon sens!
Merci pour ton com', Frad, en espérant te relire bientôt! ^^
Un très beau modèle et j'imagine bien qu'il t'a inspiré et transmis la passion de façon contagieuse dans le bon sens : oui !
RépondreSupprimer@bientôt ;)